Ils partiront dans l’ivresse

À compter de ce moment-là, l’exactitude de mes souvenirs se défile : je peine à recoudre l’enchaînement de mon séjour, comme si tout se dissolvait dans un continuum d’expériences. Je reprends le fil de ce carnet et du récit de voyage qu’il retrace le 4 avril 2020, alors que plus d’un milliard de personnes vivent le confinement durant la première vague de la pandémie du coronavirus. Dès lors, je revis sur un plan cognitif mon voyage au Vietnam à travers des sensations des découvertes et des rencontres. Les paysages, les merveilles et les personnes apparaissent encore distinctement comme des images mémorielles du temps que je vécus là-bas.

À l’heure à laquelle j’arrive sur la place de la cathédrale Saint-Joseph où se situe le Chien Hostel, il fait encore nuit. Je ne sais plus à quel endroit s’est arrêté le car ni comment j’ai rejoint un taxi. J’ai fini la nuit sur le même canapé qu’un voyageur que j’avais rencontré à cet endroit.

Un employé m’a gentiment réveillé aux alentours de sept heures. Je ne sais plus si j’ai eu droit à une douche, si j’ai laissé mes affaires à l’accueil ou bien attendu l’accès à la chambre. De mémoire, et d’après les codes, cela se fait à 14 heures. Il me reste tant à découvrir dans la capitale ! Je reprends ma vie de piéton et me rends au musée de la Prison de Hoa Lo, à proximité de celui consacré aux femmes vietnamiennes, non loin du lac Hoan Kiem tenant lieu de rassemblements nocturnes et festifs ainsi que du spectacle de marionnettes.

Le mémorial de la Prison Hoa Lo.

À l’entrée de l’ancienne prison coloniale, un guichetier vend les tickets dans un cabanon. À mon passage, m’entendant parler anglais avec un accent français, il émit un geste brusque en me tendant le ticket. Un geste qui contrastait avec une surprenante satisfaction dans son regard. À l’extérieur, j’appris beaucoup sur les conditions de vie intenables des prisonniers d’alors : cette visite me fit songer au temps partagé avec mon père lors du voyage qu’il m’offrit à Budapest, capitale de la Hongrie, en sa compagnie. Nous y visitâmes la Maison de la Terreur où des prisonnier.e.s furent torturé.e.s par le régime communiste des Soviétiques. Quelle saleté ces hommes et femmes durent endurer en ces lieux ! À l’inverse, le régime vietnamien devint communiste lors de son indépendance.

Plus tôt dans la journée, je m’en étais retourné au point de départ de ce voyage, près du temple de la Littérature afin de visiter le Musée des Beaux-Arts et celui consacré à l’histoire militaire. Architecturalement, je situerais le premier entre le bâtiment public type école ou administration et celui colonial. J’y découvris des artefacts en bois, métaux et minéraux. Au deuxième ou troisième étage, des toiles emblématiques du Vietnam sont exposées. Trichromatiques, elles fonctionnent par aplats de couleur, mats et brillants, créent des lignes berçant le regard. Quelques mois plus tard, j’ai acheté une œuvre en papiers découpés à une street artist, exposée par Hanna Ouaziz, dont j’ai appris en discutant qu’elle était originaire de ce pays, après lui avoir demandé si elle y avait voyagé car son style m’évoquait ces toiles que j’avais contemplées. Au musée de l’histoire militaire, des œuvres propagandistes commandées par l’état, des portraits photographiques et des tableaux narrent l’histoire du pays, de sa révolte, de son indépendance.

Le Musée de l’Ethnographie.

Je me suis ensuite rendu au Nord-Ouest de la ville, dans la partie boisée où se situe le Musée de l’Ethnographie auquel j’eus accès pendant au moins une heure et demie. J’y observai des outils et instruments traditionnels des ethnies vietnamiennes.

Couloir aérien du Musée de l’Ethnographie.

À l’extérieur, des habitations ont été érigées ainsi que des bateaux format pirogue. Certaines sont en pierre ou assimilées à la chaume des Gaulois et des peuples Normands. Leurs bâtisses isolent du soleil. D’autres s’accèdent par une poutre à partir desquels grimper, une plateforme en hauteur.

Je crois être rentré à scooter avec un chauffeur. Je pris une douche récalcitrante. Ensuite, je dégustai un repas savoureux au restaurant gastronomique la Verticale, avec un menu concocté par un chef Français à partir des spécialités vietnamiennes. Le tout à une table d’une maison coloniale, jouxtant la Maison vietnamienne appartenant aux serviteurs. Des épices sur les étagères compartimentées ornent la salle de restaurant tandis que le personnel joue aux cartes sur une table haute postée dans le corridor menant à la cuisine. Le serveur parle français. Il en vient, cela fait quelques années qu’il vit là. Je ne sais plus combien. Je sais avoir bénéficié du magret de canard, de fruits de mer et du fromage local. C’est ma voisine de palier, qui m’a recommandé ce restaurant. J’avais sonné chez elle avant de partir car elle m’avait appris y avoir fait un voyage d’affaires et j’étais sûr de pouvoir compter sur ses bons conseils. Madame m’avait ouvert pieds nus, les ongles vernis, vêtue d’une robe blanche décolletée et finement ajustée. Nous étions restés sur le palier et elle m’avait tout écrit sur le carnet des préparatifs de mon voyage avec lequel j’avais calculé et anticipé mes dépenses sur place. Depuis mon retour, j’ai appris qu’elle était hautement diplômée.

Alors que je réalise ne plus savoir ce que j’ai fait, vu, parcouru le 22 juillet, je recherche dans les papiers de la pochette de ce voyage, dans laquelle j’apprends que j’assistai à 19 heures au spectacle Ionah Star, un spectacle d’arts du cirque moderne.

En raison de la météo, la Quintessence du Tonkin sur le lac, que j’avais préalablement réservé, avait été annulé. Mis en scène avec les nouvelles technologies, le spectacle vaudevillesque m’attendrit par la douceur du propos et ses costumes à la fois gais, colorés et minutieux. L’intrigue contemporaine y appelait à la rencontre, à l’amour et à la vie à travers des danses folkloriques et vertueuses. Clou du spectacle, un dresseur tendit un python de dessus nos têtes à la vue du public. Je le fixai prudemment dans le noir jauni profond de ses yeux perçants tandis qu’il agitait pernicieusement sa langue. Voilà ce qui est resté attaché dans mon cerveau au 22 juillet 2018.

Dans la nuit aussi le ciel

Je renoue avec ma mémoire du récit au 23 juillet 2018, jour où je pars pour Ha Long Bay, la troisième merveille du monde qu’il m’est donné de visiter. Cela vaut-il la peine de voyager seul en de tels lieux ? N’est-ce pas trop absurde ? Je laisse là le raisonnement philosophique sur le sens de mon existence tandis que je perds le fil, à la recherche du programme de la croisière à Ha Long Bay.

Les pontons d’embarcation sur le rivage de Ha Long Bay.

Un van à huit places aux normes de sécurité me récupéra à l’auberge de jeunesse à huit heures. Nous mîmes un peu plus de trois heures à rejoindre le point d’embarcation. Nous nous arrêtâmes à une aire sur la route à travers laquelle nous fûmes soumis au regard de produits manufacturés cousus sur place. J’y achetai une cravate en soie pure assortie de deux boutons de manchette.

L’entrée de Ha Long Bay.

Le bateau, motorisé et bâti en bois, accueillait une trentaine de cabines. Les lits d’un confort inoubliable, la douche italienne sur plancher, les toilettes avec vue sur les pics karstiques du matin au soir. Notre guide s’y faisait nommer Lieutenant Dan, une chevalière dorée au doigt. De toute évidence, cela m’évoqua Forrest Gump, le film vu au moins deux ou trois fois en famille, par lequel on découvrait l’histoire récente des États-Unis à pas de course. Nous commençâmes par un déjeuner tandis que le navire se mettait en chemin. Un couple de réunionnais s’installa à la même table que moi : une psychologue et un militaire retraité.

Le premier jour, nous visitâmes la grotte la plus fréquentée par l’ensemble des touristes de Ha Long Bay. Nous allâmes à Titov Island où un escalier grimpait jusqu’à un promontoire donnant vue sur les îlots alentour. On peut s’y baigner dans une aire aménagée.

Le soir, nous pûmes nous reposer sur les transats du pont supérieur, commander des boissons apéritives. Des fruits de mer furent cuits à la vodka sous nos yeux ébahis. Le lendemain, nous naviguâmes durant plus d’une heure et trente minutes à bord d’un kayak. Pour ma part, j’en perdis la notion du temps et me baladai au cœur des îlots. Un temps, je me retrouvais sur le même qu’un couple de néerlandais qui m’apprit que la baie comptait pas loin de deux milles îlots karstiques. Ils s’aidaient, pieds nus, à grimper les parois karstiques menant vers les hauteurs. On marchait à travers des sortes de mares masquant des crocodiles dans mon imaginaire. Je me revis lisant la mort de Wendy dans les planches de Peter Pan par Loisel. Je pris mes distances d’avec le couple, moi-même abasourdi par l’éclatante lumière du puits naturel de la cavité.

À mon retour au kayak, je nage quelque peu, et constate attristé par la pollution à base d’immondices plastiques détruisant cet immense espace qui figure parmi les merveilles naturelles du patrimoine mondial de l’humanité. Ça me révolte ! Je pense à un dessin animé qui me fit rêver avec mes frères. Une mouette empêtrée dans une marée noire parvenait jusqu’au rivage afin de donner naissance et son bébé était élevé par une bande de chats en conflit avec une horde de rats. Je pense que les équipages jettent à la mer les déchets par manque de connaissances, d’éducation ou de réglementation.

Le ponton de kayaks à Luon Cave.

Je pose le pied sur le ponton quand un pilote freine son bateau de plaisance et que son équipage jette dans mon dos un sachet plastique encore plein de nourriture. Un chien s’avance en montrant les dents, je me sers de la pagaie du kayak en guise de défense. En deux pas, je parvins à protéger mon corps du moindre mouvement du canidé. Au bout du ponton, la cavité karstique boisée abritait des chaises plastiques et une cabane. Je m’en retourne au kayak. Le chien à l’allure de chacal croquait dans le sac. Il se retournait en me montrant les dents, les yeux dans les yeux. Ni une ni deux, je fis le tour, plongeant à l’eau et nageant jusqu’au kayak que je détachai du ponton avant de m’y installer. Je commençai de ramer, décontenancé par l’immensité naturelle dans laquelle je me promenais à la force de mes bras. Je me rapprochai peu à peu du navire de croisière.

Lieutenant Dan me photographie au cœur de la troisième merveille du monde que je parcours alors.

L’équipage s’inquiétait et les passagers finissaient par s’impatienter : j’étais en retard de plus de trente minutes. Il me manquait ma montre au poignet dans le kayak. Lieutenant Dan m’adressa quelques blagues et anecdotes. Il me prit en photo avec l’appareil de l’un de mes frères. Après le déjeuner, nous visitâmes Cua Van où nous apprîmes les techniques locales de fabrication des perles d’huître.

Les aquariums contenaient des huîtres : il était demandé aux femmes d’en sélectionner une dans l’espoir d’y découvrir une perle jusqu’à ce que l’une d’entre y elle parvienne. Je pense ne pas avoir suffisamment d’expérience pour décrire exactement l’énergie et les sentiments exprimés par la gestuelle et le regard des femmes qui se prêtèrent au jeu. L’activité du soir consista à pêcher à l’aide de bambous. Le militaire de la Réunion qui ne parlait qu’en français me montra son savoir-faire en pêche à la ligne, avide de récolter un butin marin.

Il estima les poissons fragiles et malades à cause du trafic maritime trop important dans les eaux qui manquent de courant pour en évacuer le surplus de pétrole et les déchets. Je n’osai discuter avec une adolescente allemande en voyage avec ses parents de crainte de sembler la draguer alors qu’elle était tout juste sur ses quinze ans. Elle s’imposait le véganisme. Ses parents détenaient une ceinture noire de judo. Je leur avais glissé des politesse en allemand, en tant que concitoyen. Mes homologues français ne leur adressèrent pas le moindre mot en anglais, toujours ancrés dans l’opposition belliqueuse cristallisée au XXe Siècle, ne leur laissant à aucun repas la place à la fenêtre. Nous les passâmes tous, ensemble, à la même table.

Je crois que ce voyage sur un luxueux navire marquera ma vie et influencera mes désirs lors de mes futurs voyages. Je dormis sur un matelas King Size, le bruit du moteur assourdissant mon cerveau, l’âme reposant dans l’absence de vagues.

Le deuxième jour, nous visitâmes une cave dans laquelle un couple de lions avait été sculpté par des civilisations de pêcheurs cueilleurs datant des hommes préhistoriques. Plus loin dans la grotte nous nous aventurâmes dans une salle sans aucune lumière naturelle. L’eau ruisselait sur le sol et gouttait en émettant un léger son cristallin. Lieutenant Dan nous éclairait de son ordiphone. De robustes araignées jonchaient la route. Il s’empara d’un débris caillouteux et nous donna à entendre le chant des minéraux à partir d’un rythme rudement travaillé.

Depuis la barre.

Nous remontâmes sur les bateaux à l’aide d’une poudre reliant la cave au navire. Une femme attendait son groupe, sans doute était-elle effrayée à l’idée de se risquer dans l’obscurité, territoire des araignées. Le bateau nous rapatria sur terre pendant que nous apprenions à préparer des rouleaux de printemps. L’Allemand me proposa de les préparer l’un pour l’autre. Ne trouvant pas le bien très bien fait, je n’osai pas proposer de l’échanger. Nous ne nous dîmes mot sur terre quand chacun attendait son car, l’esprit encore transi, nous saluant de regards entendus.

Un navire de croisière dans la baie de Ha Long.

Le soleil se lève aussi

J’attendis sous la pluie le départ en car vers Nha Trang, une fois que je me fus procuré une bouteille d’1,5 L d’eau et des cigarettes. Le trajet durait peu de temps, nous n’étions pas allongés cette fois-ci. Ma voisine était salariée de Gillette. Elle profitait de ses deux semaines de vacances annuelles pour faire visiter son pays natal à ses enfants. J’ai particulièrement apprécié cette personne. Elle m’a changé des autres voyages en car durant lesquels je passais le plus clair de mon temps à regarder le paysage, sans savoir si c’était dû à la position oblique des sièges ou bien à la sensation que j’éprouvais lors du voyage. Tout de même, je fus bienheureux de descendre quand nous nous arrêtâmes, contraint que j’étais dans un espace qui convenait avant tout aux personnes de corpulence moyenne et non à ma taille d’homme de plus d’1,80 m. Un homme au fond du car mesurait au moins 1,95 m, je l’en plaignais courtoisement dans le moment présent.

Nous descendîmes à Tam Coc en raison d’une modification de parcours. Lors d’un premier arrêt, ils balancèrent mon sac à dos de voyage contenant l’ensemble de mes affaires ou presque (je gardais avec moi un sac en toile de voile acheté chez Decathlon). Lors du second arrêt à une centaine de mètres, je me ruai en arrière, angoissé de tout perdre. Dans ce genre de situations, je pense aux mises en gardes de mon père et du jour où, en vacances à l’étranger dans un club de vacances, il courut jusqu’au distributeur, redoutant que sa carte bancaire n’y soit aspirée. Mon sac gisait au sol. Je ne sais plus comment je suis arrivé à l’hôtel de la commune attenante, situé face à la gare. Je dormis dans une chambre à trois lits superposés en métal et aux fins matelas. Les volets restaient clos. Dans la salle de toilette, un mur était éventré. Le lendemain matin, j’y verrais un cafard d’envergure plus importante que ma main, figé à mon approche. Ce soir-là, je marchai jusqu’à la rue commerçante avec des restaurants de rue. Pour y arriver, je dus longer le fleuve et les maisonnettes, dont une gardée par un chien non attaché qui hurlait au passage de quiconque.

Une famille de réunionnais dont les parents travaillaient pour l’administration publique dînaient à côté de moi. Un ventilateur nous rafraîchissait dans la pénombre tamisée par des ampoules puissantes. J’y dînai une spécialité, comme une pizza à base d’œufs, à bas pris, recommandée sur Trip Advisor. La gérante les ramena à leur hôtel à moins de vingt mètres à l’aide de son parapluie : la pluie battait son plein. Je dus recroiser le chien au retour, terrorisé. J’aperçus sur les coups de sept ou huit heures une famille regarder un dessin animé, le mur attenant tapissé d’un dessin tiré d’Aladin.

L’ancien et monumental haut temple de la montagne de l’esprit.

Au réveil, les volets de la chambre donnant sur le couloir étaient ouverts. J’étais toujours seul à l’intérieur. Une première journée d’escapade m’attendait au rez-de-chaussée, en dehors du petit-déjeuner à base d’œufs. Pour une soixantaine d’euros, j’étais guidé pendant sept à huit heures dans les environs. Je fus d’abord emmené, à l’arrière du scooter, à Nha Trang où un circuit avait été aménagé à même l’eau, des bateleuses ramant pour nous faire visiter les anfractuosités karstiques et des vestiges de civilisations antérieures dont des autels et un temple.

Nous passâmes sous une grotte si basse que nous dûmes nous pencher complètement dans la barque, le visage presque collé au métal, comme si nous étions dans Pirates de Caraïbes. Ce lieu touristique était rempli de Vietnamien.ne.s, quand les étrangers se rendaient à Tam Coc.

Vers la fin du circuit, des locaux se déguisaient en ancêtres tribaux, reconstituant la vie rupestre d’alors. L’attraction dura bien deux heures, au terme desquelles je fus transporté jusqu’à Bai Dinh, le plus grand temple bouddhique, s’étalant sur 750 hectares.

Sur la route, nous croisâmes la chevauchée d’étalons sauvages (sans doute des bâtards au vu de leur pelage), trottant à même le macadam. Nous roulâmes à quelques mètres d’eux, je pus sentir le mouvement du vent dans leur crinière, et l’activité cérébrale dans leur regard.

Le stupa principal domine la vallée du temple Bai Dinh.

À Bai Dinh, je choisis la route piétonne, comme en hommage aux Malheurs de Sophie. Il me fallut d’abord longer les boutiques de souvenirs, contourner une barrière bloquant d’éventuels véhicules, puis emprunter un chemin sinuant entre des zones boisées peuplées d’insectes, dont de nombreux ailés.

Détail de plantes.

En premier lieu, on y aperçoit un Bouddha debout, gras, en toge, muni d’un sceptre, de quelques dizaines de mètres de haut, muni d’un sceptre, surplombant un escalier. Le Buddha est lui-même surplombé d’un stupa dans lequel on peut entrer au prix d’un autre ticket. Les premières salles sont entièrement serties d’or. Un ascenseur s’élève jusqu’au quinzième étage depuis lequel on déambule dans les coursives, avec une vue imprenable sur la vallée servant de sanctuaire religieux.

De nombreux artefacts en de différentes matières nobles sont entreposés, pour la plupart à l’effigie de Buddha et Boddishativa. Les artefacts et statuettes sont encore plus innombrables à l’extérieur, entreposés dans des cavités taillées pour les accueillir. On en contemple autant, en or et en pierre, dans les galeries murales des escaliers reliant les différentes bâtiments célébrant les principes religieux.

Des artefacts encastrés dans les murs des allées du temple Bai Dinh.

Dans l’un, une cloche immense est encadrée par une architecture impériale ouverte sur l’extérieur, parée de fleurs. Dans un autre, trois énormes statues de samouraïs ont été signées. Je m’étais rafraîchi d’une glace avant d’y entrer, trempé que j’étais à la suite des kilomètres déjà parcourus. Ces statues ne pouvaient qu’avoir été portées jusqu’ici qu’avant la construction du temple, ou bien avaient-elles été taillées à l’intérieur ensuite. La première hypothèse me semblait plus probable. Ces guerriers célestes disaient tout de la bravoure, de la noblesse et du devoir des ancêtres valeureux de cette contrée. Je me rappelle avoir compté le nombre d’artefacts à l’effigie de Buddha ornant les façades intérieures. Aujourd’hui je ne sais plus combien il y en repose, faute de l’avoir noté. Au moins 900 je crois. Dans des coffrets à vitres, il me semble que des joyaux dont des armes tranchantes étaient exposés.

L’escalier descendant vers l’entrée.

Il me fallut plus d’une heure pour atteindre le point de rendez-vous, peinant sous la chaleur, secouru par ma gourde. La tente à laquelle me rendre était marquée d’un drapeau multicolore. J’y fus servi d’un phô inclus dans le prix de la journée. Après quoi nous rentrâmes à l’hôtel, j’avais déjeuné assez tard. Je passai une bonne partie du temps de la fin de journée à correspondre. Je pense être sorti pour dîner.

Les racines de l’arbre millénaire se déploient en dépassant la taille humaine.

Mon dernier jour sur place, je fus emmené par le même chauffeur à scooter dans le réserve naturelle de Cuc Phuong où je commençai par visiter les centres protégés de singes et de tortues. J’y adorai particulièrement les magnifiques singes issus des espèces en voie de disparition. Nous bénéficiâmes d’une visite guidée. Ensuite, je me retrouvai entre des arbres immenses depuis lesquels regagner le conducteur. Il me mena à un passage à partir duquel atteindre un chêne d’un millénaire. Il me proposa de me porter pour traverser un cours d’eau boueux. Je refusai et me débrouillai, posant délicatement le pied sur des morceaux de bois sans trop y appuyer mon poids. Il m’attendit là. Le chemin était parsemé de coléoptères, de scolopendres et de libellules. La forêt bruissait de craquellements de flore et de crissements de faune dont des singes se balançant dans les branchages.

L’arbre millénaire en pleine forêt dans le parc national de Cuc Phuong.

Un premier chêne bien ancien était entouré de chaînes. Le second, plus imposant encore, était surélevé par rapport au sol, le prolongement des racines faisant ma taille. Plusieurs personnes eussent pu se tenir ensemble entre deux racines. Je revins sur mes pas, transi de ce que je vivais, conscient de la rareté. Je fus conduit à un pont au-dessus de la forêt, depuis lequel j’aperçus des araignées gigantesques sur des toiles suspendues, me dirigeant vers la grotte d’un homme préhistorique d’il y a plus de 7 500 ans.

Halo de lumière à la sortie de la grotte.

Je m’accroupis pour pénétrer cette demeure dépassant tout entendement. J’y croisai trois néerlandaises présentes le premier jour de la croisière à Ha Long Bay. Ceci lorsque je redescendis des espaces supérieurs de la grotte. Je m’étais aventuré via un escalier en métal sur lequel était gravé « 1989 » vers les hauteurs. À plus d’une dizaine de mètres de haut, l’escalier s’interrompait sur un rocher et il fallait changer d’escalier, en risquant de chuter. Ce passage fut bien plus abrupt en descendant, me rappelant Les Forêts d’Opale dans lesquelles un personnage dit que descendre prend plus de temps que monter, ou presque. Tout en haut, des centaines de chauve-souris virevoltaient. Je me hissais plus haut encore en parcourant la route. Quand j’allumai mon ordiphone, je découvris une araignée solide à l’envergure de ma main, et choisis de quitter cette zone sur le champ.

L’araignée Nephila pose au centre de sa toile gigantesque, à hauteur du pont menant à la grotte.

Une fois auprès du guide, celui-ci me fit goûter à une pipe en bois de la taille de celle du calumet des Indiens. La pluie nous tambourinera sur le retour. Les éclairs tonitruèrent, l’électricité retentissant dans l’échange terrestro-céleste. Trempés, nous fîmes une halte à la case d’un de ses amis qui nous servis à manger. J’eus la politesse d’ôter mes vêtements de pluie.

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