Quadrophenia

Nous reprîmes la route lorsque le ciel fut de nouveau éclairci. Le guide prit une route alternative, longeant des pics karstiques et des élevages de canards, un moment autant inattendu qu’insaisissable au cours duquel nous échangeâmes quelques mots.

Le guide de mes deux journées d’expédition.

Je m’amusai à faire se déplacer les canards sur mon passage. Il m’expliqua quel était le coût de la viande de canard pour les familles.

Un élevage de canards.

Arrivés à l’hôtel, j’en donnai le montant au réceptionniste en tant que pourboire pour le chauffeur d’une bonté exemplaire.

Le soir-même, j’empruntai la route en bus à couchettes pour Mai Chau, avant-dernière destination de mon voyage à la fois charnière et jalon de ma vie. Lorsque le car arriva là où je descendais, le subalterne du chauffeur sauta alors que le véhicule ne s’était pas complètement arrêté, chaussé de claquettes. J’en reste stupéfait. Il me mit dans un taxi qu’il m’était impératif de prendre si je voulais rejoindre la ferme où j’allais séjourner. Au bout du chemin terreux d’un village, j’empruntai une allée, accueilli par une femme s’éclairant la voie à l’aide d’un téléphone des années 1990. Il pleuvait à sauts. La propriétaire me guida, un large sourire aux lèvres, vers la cabane en paille tressée dans laquelle je dormirais.

La location de Mai Chau.

Une élégante moustiquaire protégeait le lit matelassé qui m’attendait. Un cadenas était accroché au loquet de la palissade en bambou et paille qui servait de prote. Bien qu’il ne retenait plus rien, il n’en signifiait pas moins l’attention des fermiers.

Vue nocturne de la vallée de Mai Chau.

Le poulailler me réveilla au matin, m’incitant à me lever dans cette demeure rustique, me laver dans la douche usée mais fonctionnelle et nettement supérieure à mes attentes. Je me repus d’un petit-déjeuner très original et différent de ce que j’avais découvert jusqu’alors. Je pris un vélo pour m’en aller parcourir la vallée, longer les rizières, sillonner les pentes, arpenter les ruelles des villages.

Promenade à bicyclette dans la vallée de Mai Chau.

Une escapade magnifique au cours de laquelle j’ai plusieurs fois manqué de me faire mordre, à vif pour le coup, par des chiens de garde. Néanmoins, et peut-être en partie pour cette raison, l’expérience fut sensationnelle. Je portai mon t-shirt rouge avec un motif d’empreinte digitale apprêtée par un cultivateur de rizières.

Un paysan récolte du riz à proximité d’un barrage.

J’ai roulé longtemps ce jour-là, tant et si bien que mon genou a commencé à fatiguer, compte tenu de l’usure de la bicyclette, de l’absence de pistes et de ma fatigue corporelle, arrivé au terme de ce fabuleux voyage.

Des paysannes avec un chapeau rond dans les rizières de Mai Chau.

Au village, je m’achetai un cornet de glace à la lavande, pris deux foulards chez l’artisan employant des femmes en situation de handicap. La vendeuse était bossue. Il y en avait une pour les quatre-vingts ans de ma grand-mère paternelle dont le nom de famille reste gravé sur l’Anneau de la Mémoire de Ablain-Saint-Nazaire où nous nous rendîmes avec son fils unique, mon père. Le soir, je profitais de l’environnement inégalable et échangeait quelques mots avec des citadins.

La route sinuant dans la vallée de Mai Chau.

Le lendemain, il me semblait avoir songé que l’une des fermières était entrée par la fenêtre. De l’eau s’était agglutinée depuis le plafond jusque dans mes chaussures, me forçant à les enfiler humides pour rentrer. J’eus le temps de refaire un tour de bicyclette et compléter mon tour des environs.

Un parterre boisé au cœur de la rizière.

Au déjeuner, je m’emportais légèrement, inquiet de savoir si on me déposerait à temps au car. On passa chercher une famille à une auberge dans une voiturette de terrain de golf, ce qui me stressa encore plus. Pour ne rien y ajouter, l’un des enfants avait oublié son sac. Un rencard m’attendait à Hanoï dans six heures. J’avais prévu de l’emmener dîner sur le toit de la tour panoramique.

Nous montâmes dans un car atypique par rapport aux précédents, fait de banquettes en cuir usagé, quelque peu écorché voire déchire, avec de la place pour une quinzaine de personnes. Il avait tellement plu que nous roulâmes sur des voies inondées, l’eau montant à plus de la mi-hauteur des roues. En contrebas des routes vallonnées, l’eau se précipitait dans les pentes. Le trajet prit plus de temps que prévu. Une grande excitation me traversait, celle de retrouver Diêp, la jeune femme que j’avais rencontrée alors qu’elle travaillait en tant que serveuse et qui m’avait confirmé quelques jours plus tôt son souhait de se rencontrer. Diêp m’avait promis être disponible ce soir-là, ne l’étant pas lors de mon dernier passage à Hanoï. Je crois être rentré à l’hôtel dans la capitale entre 17 heures et 18 heures, le temps d’une douche avant qu’elle ne me récupère en bas à l’hôtel. Elle arriva sur un Vespa bleu ciel et argent, un casque décoré d’une tête de personnage. Une amie lui avait prêté un casque pour moi. Elle me fit monter à l’arrière.


« Put your hands where you want to.

– Where do you want to go ?

– Let’s reach Lotte Panoramic Tower.

– I want to check the destination. »

True Romance

Diêp conserva son téléphone à proximité pour vérifier le chemin sur le trajet. Une virée exceptionnelle qui ouvrit les moments les plus merveilleux de ma jeune vie jusqu’alors partagés en compagnie d’une femme. Nous traversâmes la capitale en diagonale, Diêp faufilant notre trajectoire motorisée entre les innombrables deux roues motorisées, pour la plupart le sourire affiché sur les lèvres. Un homme roulait à vélo, une machine à laver harnachée à l’arrière. Nous croisâmes même une famille de quatre personnes sur le même scooter, symbole de la liberté et de la réussite sociale dans ce pays.

Nous manquâmes un grave accident quand Diêp se trompa de virage et que nous nous retrouvâmes face à une marée de scooters dans le sens inverse. L’émotion sans doute. Une fois à la Tour Lotte, nous descendîmes dans le parking. Diêp parut surprise que ce soit la destination et non le point d’ancrage. En raison de la météo, nous ne pûmes accéder au toit où j’avais siroté un cocktail sept jours plus tôt, le nez dans les nuages et un coucher de soleil extraordinairement resplendissant sur la ville, projetant des rayons rosés à l’orange dans un tumulte grisâtre de fluides gazeux.

Nous fûmes conduits à l’étage inférieur, je choisis le restaurant Grill dont la porte affichait des prix au moins deux fois supérieurs au bar à l’étage, me plaçant dans une situation délicate. Elle souriait comme nulle autre de ma vie ne m’avait jamais souri, sans psychotropes. Ses yeux pétillaient de contentement : je ne pus me résoudre qu’à rester là, assis l’un en face de l’autre sur des sièges luxueux, séparés d’une table nappée, à proximité de la baie vitrée qui révélait l’agitation incessante de la capitale. Le passage du jour à la nuit contribuait à la fugacité de l’idéal-même de ce repas en tête à tête que j’accomplis ce soir-là. Je commandai deux plats dont l’un aux noix de Saint-Jacques et deux verres de vin rouge. Quand le repas fut servi, je notai combien nous étions dans un restaurant gastronomique. Diêp me raconta son quotidien à Hanoï. Elle réside dans une chambre d’un foyer où elles sont douze à dormir dans la même pièce avec une salle d’eau pour toutes. Sa grand-mère l’aide. Ses parents ont divorcé dès son plus jeune âge et ont fondé une autre famille, il lui revient de se débrouiller, de travailler pour se nourrir et contribuer aux dépenses dans le cadre de ses études. À l’époque, elle avait planifié de rejoindre la France en 2021 pour ses études. Le coût s’élève à 3 000 € pour les étrangers depuis la récente loi du gouvernement concernant les frais d’études pour les étrangers. Je ne pense pas qu’elle pourra se le permettre : elle refuse toute aide monétaire et je ne saurais l’aider avant des années.

Elle me raconta quelques anecdotes, comme d’avoir manipulé une kalachnikov.

« That way, I know how to defend and protect myself. »

J’appris qu’elle était tout juste majeure, j’avais 21 ans, elle 19. Je ne sais plus ce que je lui avais raconté de ma vie, la beauté de ce moment me décontenançait et je peinais à croire qu’elle accepterait de poursuivre cette rencontre le temps de la nuit. De nombreuses jeunes filles me l’avaient déjà refusé. Le physique de Diêp me plaît autant que sa personne.

«  Would you like to make a loop at the lake ? m’interroge-t-elle.

– Which one ?

– Tay Ho.

– For sure.

– Would you like to drive ? You’re too heavy for me.

– I’m sorry I don’t know how to drive, I can’t. »

Une fois au lac, nous rangeâmes les casques dans le coffre arrière dont la serrure ne fonctionnait plus. Diêp demanda en vietnamien au commerçant en face, lorsque nous lui achetâmes un jus de fruit, de surveiller le véhicule, de ce que j’en présume. Nous nous installâmes sur un banc. Un couple se bécotait sur un scooter. Nous discutâmes, en anglais toujours. Diêp se connecta à internet pour accompagner la soirée de chansons. Ce fut d’abord « Enjoy the Silence » de Depeche Mode.

En face de nous, l’eau s’étendait sur plusieurs kilomètres. Les lumières des immeubles tout autour créaient des faisceaux pharesques multidirectionnels, éclairait notre moment de touches terrestres et électriques.

Un réverbère le long du lac Tay Ho à Hanoï.

Transporté par notre discussion, je tâche de ne pas songer à mon retour et de vivre cet instant. Elle mit « La vie en rose », en chanta les paroles tout en me fixant droit dans les yeux. J’eus pu rester là jusqu’à ma mort, à côté d’elle. L’horloge tournait, il serait bientôt nuit. Diêp me fit part du couvre-feu de son foyer.

«  Would you lite to join ma at the hotel I sleep ?

– Yes. »

Rarement trois lettres m’ont autant comblé de bonheur et de fortune. Je la pris par la main, nos doigts s’entrelacèrent, je caressai tendrement son bras d’une grâce remarquable. Nous nous levâmes et marchâmes jusqu’au scooter. Un féroce chien aboya soudainement, j’eus le réflexe de protéger Diêp en la faisant reculer. Par chance, le chien portait une muselière. Nous en rîmes.

Paysage nocturne de la ville de Hanoï.

Arrivés à l’hôtel, le groom nous sourit béatement, le réceptionniste vérifia sa carte d’identité. Je fis couler un bain dans lequel nous nous baignâmes tous les deux après quelques baisers langoureux. Face à face, dans l’eau.

« Do you want me to get burn ?

– You want cold water ?

– Please. »

Je plaçai mes mains sur les maxillaires de ses mâchoires, joignant mes pouces sur sa trachée, frottant de mes annulaires et auriculaires l’espace de ses tempes à l’ombre des lobes de ses oreilles puis je m’avançai et lui subtilisai un baiser qui lui ôta toute frayeur.

Nous dormîmes peu, nous parlant, nous embrassant, nous câlinant. Les draps augmentèrent le caractère somptueux de cette nuit. Je fermis à peine l’œil, me détachant de sa présence et de la proximité de son corps au mien, de l’odeur de ses cheveux colorés roux foncé, de la même couleur que ses lèvres pulpeuses.

A sept heures, l’alarme me réveilla, m’avertissant de l’arrivée prochaine de la navette qui m’emmènerait visiter la Pagode des Parfums, fortement recommandée par les guides touristiques. Je lui laissai le ticket de petit-déjeuner et lui demandai quand je la reverrais.

« May be tonight. I’ll write you. »

Dans la navette, un couple d’hommes anglais siège déjà à l’arrière. L’un d’entre eux a grandi à la campagne, sa famille élevant des moutons. La navette s’arrêta au Sofitel Metropole Hotel où nous attendîmes l’arrivée d’une famille américaine. Je ne saurais dire aujourd’hui si nous comprîmes d’autres voyageurs ce jour-là.

Le trajet dura environ deux heures si je ne m’abuse. Nous eûmes à monter sur des pirogues. Le niveau de l’eau était nettement supérieur à la normale à cause de la mousson. On accède aux pirogues via des sacs de grès les uns contre les autres entre des murets taillés pour retenir l’eau.

La navigation demanda 45 minutes. Là encore, des femmes couvertes d’un chapeau rond pagayèrent, debout. Deux haltes aux temples à hauteur de l’eau lors de la mousson. Des installations de fortune avaient été déposées ci et là en guise de plateformes sur lesquelles prendre appui, avancer et visiter.

Une pagode inondée.

L’atmosphère générale se veut calme et rassurante. Le caractère imposant  de l’îlot central, majestueux, m’évoque King Kong.

A l’endroit où les femmes amarrèrent les pirogues, des bacs contenaient des tortues et des serpents d’eau à vendre. Nous marchâmes jusqu’à une ruelle commerçante agrémentée d’un espace de restauration.

Nous dûmes ôter nos chaussures pour l’atteindre et marcher avec de l’eau jusqu’aux genoux sur à peu près deux cents mètres. Aucun serpent d’eau n’en profita pour m’attaquer. Le clou de cette expédition se situait au sommet du mont de l’îlot karstique sur lequel nous étions. Des pagodes et maisonnettes étaient aménagées un peu partout ? Le guide m’annonçai quarante-cinq minutes à pied : le téléphérique n’était pas inclus dans l’excursion. Je me dépêchai d’emprunter le sentier, composé de marches de grande taille.

L’escalier menant à la Pagode des Parfums.

Il me fallut parfois user de mes de mes mains pour maintenir l’équilibre. Sur le chemin, des chiens aboyèrent à mon passage, leurs maîtres les appelant pour les retenir. J’achetai une bouteille d’eau dès que possible, la chaleur m’étant intenable. Je dus choisir à une bifurcation, un sentier donnant sur un temple. Je me dis que je n’avais pas le temps de tout faire et m’engageai dans l’autre. Une fois en haut, je pus contempler la vallée, et surtout la cavité ascendante.

Point de vue depuis le sommet du temple.

Je fus le premier à arriver et pus profiter de la visite, seul. Un escalier en bois avait été construit sur la route. En bas de l’escalier, les prêtresses avaient dessiné un symbole religieux à l’aide d’une multitude de bougies aux couleurs chaudes. Je m’agenouillai aux côtés d’une des prêtresses en train de prier. Elle me susurra quelques paroles et fit des gestes des bras. Je me levai et entrai pour visiter. Deux prêtresses avaient pris les devants et déplacèrent des artefacts avant mon passage. Une épaisse fumée encore translucide emplissait la carverne. Plusieurs artefacts étaient construits à même la roche. Je m’agenouillai à chacun d’eux.

La bouche de la grotte du temple.

A ma sortie, le groupe descendait l’escalier de bois, je fixai intensément le soleil. La prêtresse restée à l’extérieur avait constitué des groupes de bougies qui formaient des symboles en tout point différents de celui initialement tracé.

Dans l’escalier d’accès à la pagode, un touriste s’avance.

Je visitai une seconde fois le temps puis remontai les marche. J’achetai un ticket au guichetier du téléphérique pour le panorama. Je fus frustré car nous dûmes attendre et je me dis que j’eus pu y passer plus de temps. Je pense que j’étais secoué à l’idée que ce voyage se terminait. Le téléphérique vitré donnait à voir une zone intensément boisée.

Dans la cabine du téléphérique, défile le paysage forestier et escarpé.

Sur le retour, Diêp m’écrivit pour me dire qu’elle serait libre en début de soirée. Je l’informai que je serais disponible vers 18 heures. Ellle me rejoignit à peu près à l’heure. Nous passâmes une ou deux heures ensemble, je ne sais plus. Une fois dans la chambre, nous avalâmes quelques bouchées de fruits, bananes et fruits de la passion. Diêp nous prépara du thé. Je m’assis sur ma chaise au format fauteuil pendant qu’elle passait par la salle de bain. Je regardai derrière mon épaule droite par la fenêtre de la chambre 301, donnant sur des bâtiments rudimentaires. On voyait du linge suspendu et des tôles de ventilation.

Diêp revint, ferma les rideaux et s’assit sur mes genoux, les jambes du côté droit. Elle passa sa main dans mes cheveux, enlaça mon cou et apposa ses lèvres sur les miennes. Je ressentais la générosité de son corps sur le mien, fatigué de ce voyage et du départ qui m’attendait le lendemain.

J’avais perdu une dizaine de kilos. Je ne m’étais pas rasé depuis ni n’avais pu m’épiler. Mon corps en était devenu hirsute. Nous écoutâmes de la musique et dansâmes. Elle se moqua de moi tandis que je lui montrais le twist sur Elvis Presley.

Diêp y préférait nettement le slow sur Les Mots de Christophe et LA Javanaise de Gainsbourg.

Elle me quitta en milieu de soirée : une amie fêtait son anniversaire. Elle me dit qu’elle m’avertirait de si elle pouvait revenir dormir auprès de moi ensuite ou si ses amis accepteraient que je la rejoigne. Je ne quittai pas la chambre. Je grignotai les cacahuètes du minibar. Elle ne m’écrivit pas. Je supposais alors l’avoir déçue ou bien même ne pas tant lui plaire, finalament. Je m’assoupis, exsangue.

Le Premier jour du reste de ta vie

Au réveil, toujours rien. Je pris mon dernier petit-déjeuner dans ce charmant hôtel que m’avait recommandé Madame M., une voisine de palier. Je tremblais des doigts en dévorant un fruit de la passion et des gourmandises, à la fois ému et bouleversé par tout ce que je venais de vivre. L’équipe de l’hôtel, toujours aussi généreuse, accepté de conserver mes affaires le jour, pour plus de mobilité. L’avion était programmé à 0h45.

Qu’avais-je pris à déjeuner ? Qu’avais-je fait ? Je me rappelle principalement avoir visité la citadelle impériale de Thang Long dans toute son étendue, avec les salles anciennement dévolues au comité politique et stratégique lors de la guerre d’indépendance. Quelques vestiges y font encore l’objet de fouilles archéologiques.

Dans le musée commémoratif de la révolution vietnamienne, un panneau sur les Schtroumpfs.

Quand Diêp m’envoya un message pour se retrouver, je me dépêchai de tout voir, y compris les plateformes en hauteur. J’avais une place pour un spectacle d’arts du spectacle, acclamé au niveau international. Je rendis visite à l’agence m’ayant vendu plusieurs expéditions et avec qui j’avais échangé au cours de mon voyage. J’achetai un second ticket pour Diêp. Je voulus déposer un pourboire, qui me fut refusé avec allégresse. Quand Diêp me rejoignit, nous étions encore en début d’après-midi.

« What do you want to do ?

– I have two tickets for a show at theatre. What would you like to do before, a walk ?

– Well, I don’t know. There are so much funnier things to do except going to a theatre show. Could we go back at the hotel and then talk about it ?

– I’ve given the room back.

– Oh, I didn’t know that. »

Elle sortit son smartphone au feu rouge pour chercher les tarifs des hôtels, les résultats de la plateforme locale agoda lui ôtèrent une mine de stupeur.

« I’m sorry, I won’t afford that myself, did she say. »

Le tarif avoisine la cinquantaine d’euros, un peu moins pour ceux plus accessibles.

« Well, let’s go to the hotel, I can afford for one night more, for you, lui glissai-je tout en appuyant fermement mes main sur ses hanches, près de son nombril.

Le réceptionniste sembla légèrement interloqué, me disant que la chambre était rendue. Je dus insister. Il passa deux coups de fil. Je reconnus la voix de la manageuse. Il me tendit la clef de la main droite. Nous prîmes un bain avant le spectacle. Au moment de partir, Diêp songeait à rester.

« Have you ever seen a show ?

– No.

– Then you need to do it, I’ve been on stage and studied drama, thare are few things better than great stories in life. It learns you about life, embodies feelings, creates thoughts in your mind, such as memories.

– At least we can arrive late.

– No we shall not ! we could not being accepted. »

Je la décidai à en prendre le chemin. La pluie commença à tomber quand nous arrivâmes ? Elle enfila une tenue dans le coffre. J’y rangeai le casque que l’on m’avait prêté à l’hôtel. La salle de théâtre m’impressionna par son élégance et sa richesse ornementale tout en restant minimaliste. Des masques ornent les balustrades de l’étage. Nous avions été placés exactement au centre du public. Nous attendîmes une bonne trentaine de minutes avant le début du spectacle. My Village produit par Lune Production.

« You see, we could have arrived late.

– There’s nothing better than waiting for the beginning…

– You’re funny.

– Tell me, what do significate those improved drama masks ?

– The white and blue one represent the good. The red one is for anger. The black one is for evil.

– Isn’t it a dark blue color ?

– No, it’s black. »

Le spectacle commença après le noir de la salle. Nous ne cessâmes de nous caresser mutuellement, en rythme sur la musique du spectacle sur laquelle les acrobates virevoltaient à l’aide de bambous et de cordes. Cela avait trait à la création et à la socialisation de l’homme, à la force grégaire. Probablement l’un des cinq meilleurs spectacles de toute ma vie. L’agilité des acrobates, la synchronisation des mouvements et la prouesse des tours me laissait coi. Une acrobate réalisa un grand écart dans les airs, maintenue entre deux bambous d’au moins deux mètres.

Diêp en ressortit tendrement émerveillée. Nous bûmes un cocktail au jus de ftuit sans alcool offert au bar de l’hôtel et nous assîmes à une table de restaurant d’hôtel.

« Why do you force to smile ?

– I don’t force myself, it’s my way of smiling, I am glad to share time with you and to be in front of you.

– I am so sad you fly back tonight, did she say, touching at my arm.

– So do I, I will miss you.

– May we go up now ?

– If you want, did I answer, checking briefly at the assembly around, smiling and laughing discretly about the situation. »

Nous y sommes restés si peu de temps. Nous montâmes le verre à la main.

Il nous restait moins de deux heures à passer ensemble qui comptent parmi les plus douces et émouvantes de ma vie, quand l’écoulement du temps nous révèle sa splendeur, sa sincérité, son impartialité.

Au terme de plusieurs câlins et conversations, nous nous reposâmes s’embrassant sous les draps, fermant les yeux et s’humant l’un l’autre durant les cinq minutes de cohésion qu’il nous restait avant que je ne doive me vêtir et partir. Nous nous serrâmes dans les bras avant que je ne referme la porte de l’espace qui n’avait été que pour nous deux. Ses yeux brillaient d’amour, d’amertume de nous quitter. Le taxi m’attendait, la réception m’avait appelé cinq minutes plus tôt au moins. Les adieux mangent parfois du temps sur le reste.

Une dizaine de minutes plus tard, je réalisai avoir oublié les rouleaux calligraphiques du mausolée Hô-Chi-Minh à l’hôtel. L’un « Harmony Atmoshphere » était pur ma mère, l’autre « Sincerity », pour chez moi. Je prétextai avoir oublié mon passeport. A l’hôtel, je pris le temps de remonter prétextant récupérer une bouteille d’eau. Je frappai, sonnai puis refrappai.

« Yes, I’m coming.

– It’s me. »

Diêp sourit largement. Je la serrai encore une fois dans mes bras. Quand je rouvris la porte, elle recula et ouvrit les bras, posant ses mains sur le mur, me fixant du regard. À l’aéroport, je reçus de sa part un poème vietnamien lu de sa voix au timbre singulier.

Nous traversâmes une tempête dans l’avion, un gosse derrière moi tambourina dans mon siège tout le voyage durant. Dix jours dans un château m’attendaient à mon arrivée en France.

À l’heure où je termine d’écrire ce récit, je suis resté en contact avec les jeunes de Ha Giang qui poursuivent leur apprentissage de l’anglais et du français. Luke m’annonçait prendre la route pour la Géorgie avant le confinement. Je lui ai écrit ainsi qu’à Clémence alors que je commençais à publier, ils se sont séparés depuis. Diêp m’écrit de temps à autres. Un couple franco-vietnamien de mon immeuble avait emporté un exemplaire de la bande dessinée Le Petit Prince de Joann Sfar pour lui transmettre. Je n’ai jamais su si Diêp était allée le récupérer. Un mot l’y attend à l’intérieur.

J’ai perdu le numéro des deux Anglaises que j’avais beaucoup appréciées. Si un jour vous lisez ces lignes, contactez-moi ! Je m’efforce de vivre pleinement ma vie qu’il m’est accordé de vivre sur la planète Terre, en des temps autant fabuleux qu’immémorables à mon sens. Je commence à croire en la puissance évocatrice du syncrétisme sur un plan théologique et œcuménique, ce qui expliquerait de nombreuses pensées qui me traversent l’esprit. J’ai hâte de repartir explorer le monde contemporain. D’abord, nous devrons en finir avec la pandémie du coronavirus qui participe d’après moi à une résurgence des dix plaies d’Égypte.

Ainsi s’achève mon récit, dans la grâce de ce que la vie confère de douceur. Si la vie m’a appris d’utiles leçons, il n’en est de plus belles que de s’efforcer de vivre l’émotion et de donner de l’amour.

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