Le chanteur polyglotte du Mali s’engage musicalement au nom des droits humains dans « Mon Côté Reggae » tout en défaisant la scission des genres musicaux.
C’est heureux, c’est joyeux, c’est vivant. Ousco proteste de sa voix claire et habitée dans l’espoir d’un monde plus juste et équitable, fondé sur l’entraide. Le discours instrumental vibre dans un accompagnement de la refonte de l’industrie musicale mondiale.
Salut Ousco, nous sommes là pour parler de ton premier album solo : comment ça va ?
Oui moi ça va bien, l’album vient juste de sortir, ça n’a pas forcément été simple en tant qu’indépendant mais quel plaisir que de pouvoir enfin le proposer au public ! Et en plus, les premiers retours sont vraiment bons ! Et toi ça va ?
Bien ma foi ! Le titre de l’album fait mention de « [Ton] côté Reggae », y puises-tu toute ton inspiration ?
Oui le bon reggae m’inspire beaucoup, que ce soit du reggae jamaïcain comme Bob Marley, ou du reggae français à la Danakil ou même du reggae made in Africa comme celui d’Alpha Blondy, Tiken Jah Fakoly, Koko Dembelé… Je m’inspire aussi de la musique de mon pays et du folklore malien qui est très riche, en mélodies et en terme de textes. On dit au Mali que : « la musique n’est bonne que quand elle a un sens » je pense notamment à Oumou Sangaré, Ali Farka Touré ou encore Salif Keîta. Les événements de la vie quotidienne ne sont pas en reste et m’inspirent directement aussi.
Tu as déjà marqué l’histoire de la musique des dernières années avec Manu Chao, Tiken Jah Fakoly et Amadou & Mariam, qui produisent des sonorités très différentes. En quoi est-ce que tu cherches à te différencier ?
Je ne cherche pas particulièrement à me différencier de qui que ce soit mais nous avons tous notre personnalité, l’injectons dans notre musique et ne proposons donc pas la même chose. Ces artistes sont de vraies références pour moi et m’ont aidé à affirmer mon identité artistique justement. Collaborer avec ces grands nom de la musique m’a permis de connaître et comprendre beaucoup de choses musicalement et scéniquement.
Tes paroles sont, de même, engagées, est-ce vital dans ton processus ?
Oui, c’est très important pour moi car l’Afrique a encore besoin d’un grand réveil des consciences. Faire de la musique est une opportunité, on peut toucher beaucoup de gens avec une chanson. Donc je ne me voyais pas faire un album de 12 titres sans aborder les maux du continent mère. La mauvaise gestion de nos deniers publiques par nos dirigeants malhonnêtes, la corruption dans toute sa dimension doivent enfin être dénoncés pour qu’on puisse avancer. Je garde espoir et j’aime à croire que le changement est pour bientôt, Inch’allah ! On ne lâche surtout rien !
Que souhaites-tu véhiculer ?
La paix, l’amour, la joie de vivre et l’harmonie entre les gens.
Est-ce le Bambara que tu chantes ?
Oui le Bambara est la langue nationale du Mali. Mais normalement on dit « Bamanan kan » et non bambara.
Quel est le sens des paroles ?
Dans la chanson « Mam Cheick N’diaye » par exemple, je rends hommage à mon guide spirituel. Car je suis un Talibé Baye Fall.
Dans « Sutura », je me suis inspiré de la chanson « Who the cap fit » de Bob MARLEY et je traduis ses paroles. Dans cette chanson il dit un moment « if your night shall turn to day, a lot of people will gonna way (…) your best friend could be your worse enemy and your worse enemy could be your best friend ». Et dans le titre « Mali » je dénonce le système qui nous divise pour mieux régner. Il ne faut pas qu’on se laisse manipuler tout le temps. Nous, la nouvelle génération, traitons les choses autrement, avec beaucoup d’intelligence et nous ne sommes pas dupes.
Une différence entre l’Europe et l’Afrique s’impose-t-elle à tes yeux ?
Humainement non. Au contraire je chante pour la liberté, la justice et l’égalité entre les peuples. Je trouve que le monde doit encore faire beaucoup d’effort sur ce plan. Il ne doit pas y avoir de différence ni par la couleur de peau ni par notre situation géographique. Nous sommes tous des êtres humains. Nous devons nous aimer comme il est dit dans les livres saints : la Torah, la Bible et le Coran.
Selon toi, Paris et Londres incarnent-elles toujours des cases importantes dans la promotion d’un artiste africain ?
Bien sûr ! Ce sont des passages obligés pour tout artiste ayant la volonté d’être visible. Force est de constater que c’est dans ces villes que se trouvent l’essentiel des médias donc Paris et Londres restent incontournables. La musique étant faite pour être diffusée auprès du plus grand nombre, passer par ces villes peut parfois accélérer la carrière d’un artiste, qu’il soit africain, européen ou américain.
Où aimerais-tu jouer ?
Au stade de France (rires). Comme tout artiste, j’aimerais pouvoir me produire partout dans le monde, que ça soit dans un pays développé ou pas. J’aimerais défendre ma musique partout où ça sera possible. Le public peut changer d’une ville à une autre mais reste toujours bienveillant et positif à l’égard des artistes. Je vois que le Brésil est en ce moment à fond dans le reggae, ça fait partie des pays que je ne connais pas, où j’adorerais faire un concert.
Les médias éclairent cette semaine la condition des esclaves modernes, qu’as-tu à dire sur le sujet ?
C’est malheureux de voir qu’en 2017 on se retrouve encore là, hélas ! Mais je sais qu’il y aura toujours des cons un peu partout. Sur ce sujet il faut qu’on fasse très attention car ça peut être des images détournées pour encore une fois diviser l’Afrique noire et l’Afrique arabe. Prenons le temps de bien faire la part des choses avant de se prononcer sur quoi que ce soit. Je fais allusion là à une vidéo montrant Alpha Blondy qui appelle les migrants à se munir d’armes pour se déplacer. Je trouve que les armes n’ont jamais été une solution à quoi que soit. J’appelle plutôt la société civile à prendre les choses en main, à descendre dans la rue pour défendre leurs droist de façon pacifique en interpellant encore les dirigeants à prendre leurs responsabilités. Car si eux, prennent leurs responsabilités il y aura moins de migrants dans les années à venir.
Qu’aimerais-tu changer avec cet album ?
Les ondes négatives. La mentalité qui cherche à nous faire croire que le monde est fait pour être dur. J’ai confiance et je pense qu’un jour tout ira pour le mieux et que les gens vivront tous ensemble comme un seul peuple, uni et fier.
« Je me vois un peu entre Alpha Blondy et Tiken Jah Fakoly, mais juste à côté de Kéry James ou encore Kény Arkana… »
Où te situes-tu dans le champ de la protest song ?
Je me vois un peu entre Alpha Blondy et Tiken Jah Fakoly, mais juste à côté de Kery James ou encore Kény Arkana que j’aime beaucoup !
Merci pour cet interview.
Merci à toi.
L’album « Mon Côté Reggae » est disponible sur l’ensemble des plateformes de téléchargement légal.
TRACKLISTING :
01. Mame Cheick N’Diaye
02. Consommer National
03. Qu’est Ce Qui Ne Marche Pas ?
04. Mali Main
05. Zoom Zoom Zawé
06. Sutura
07. Ma Jolie
08. Les Femmes
09. Change De Façon
10. Fana Fana
11. Cdeao
12. Allah
Gum Club – Novembre 2017
Source : https://www.90bpm.com/magazine/interviews/2017/11/27/ousco-mon-cote-reggae/
Engagé pour l’intérêt général depuis l’âge de 15 ans, j’interviens au fil des années dans le cadre de projets associatifs, d’événements culturels et de réseaux internationaux.
Sur le plan professionnel, j’ai exercé plusieurs activités à la sortie de Station F où j’ai travaillé sept mois en 2021, à l’occasion d’un Service Civique.
Sur le plan personnel, j’aime écrire, et je prévois de poursuivre !