Par François Laurent
Analytics & Insights : La crise sanitaire a profondément secoué le monde des études marketing et de la connaissance consommateurs : pour toi, s’agit-il plus d’une rupture ou d’une accélération de tendances déjà existantes ?
Arthur Labarre : D’après moi, la crise du coronavirus a favorisé l’accélération de négociations dans le monde du travail sur bien des sujets tout en facilitant la prise de conscience sur des thématiques essentielles. Je pense au besoin de transformation digitale des entreprises, à la stratégie RSE à promouvoir et bien sûr à l’hybridation de nos modes de vie avec l’obligation du télétravail.
J’ai passé beaucoup de temps à consulter des webinaires d’entreprises ou de médias pendant que nous étions confinés. Je pense par exemple aux collaborations entre L’ADN et Kantar, qui m’aident à cerner davantage le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, ainsi que l’état d’esprit de la population, au niveau local comme international. Si on reprend la règle des 3V propre au marketing digital, je pense qu’elle s’applique dorénavant dans notre quotidien, tout comme la méthode Agile.
Ce que nous avons vécu ces dernières années fait office de rupture : l’expression monde d’avant / monde d’après a été très utilisée à tous niveaux. Il est évident que tout cela donnera du travail aux sociologues pendant des années ! J’ai souvent entendu que la crise économique et sociale est pire que celle du krach boursier de 1929, à jamais dans les livres d’histoire. Je crois qu’il faut penser ce que nous avons traversé sur le temps long et considérer la crise comme globale : la crise politique et la crise migratoire avaient commencé bien avant celle du coronavirus, laquelle n’est pas terminée, et durant laquelle d’autres crises ont commencé. Depuis que nos vies ont repris un cours normal, la crise en Ukraine met fin à 25 ans de paix en Europe, et enclenche une crise de l’énergie. Nous vivons un bouleversement de l’ordre mondial, un basculement dans l’inédit qui a de quoi éveiller nos craintes les plus enfouies. Peut-être nous faudrait-il penser le monde du maintenant afin de créer une nouvelle tendance. Dans notre temps, on se réfère souvent au passé, et on envisage beaucoup le futur : il nous manque de nous ancrer dans notre présent qui nous est donné à vivre, en vue de le penser et de l’étudier.
Analytics & Insights : Face à l’accélération actuelle, il faut faire preuve de souplesse, d’agilité …
Arthur Labarre : Oui. Grâce à Darwin et son essai On the Origin of Species, nous savons combien la vie est une histoire d’adaptation et de survie dans un écosystème donné. L’évolution de notre espèce nous a permis d’être ce que nous sommes aujourd’hui, en fonction de critères indépendants de notre volonté. L’accélération actuelle nous paraît totalement nouvelle tant elle nous demande d’énergie et tant nos décisions nous semblent cruciales. La perspective de la mort a rarement été aussi prégnante dans notre conscience de nous-mêmes. Pourtant, La Bible mentionne déjà des catastrophes et des bouleversements : il suffit de mentionner les dix plaies d’Egypte, dont on vit peu ou prou une version contemporaine avec plusieurs faits alarmants partout dans le monde.
C’est dans la menace de notre existence et de notre perpétuité que nous redoublons d’intelligence et d’effort. L’homme s’est aventuré dans l’espace et nous n’y avons fait que nos premiers pas. Les conditions de la vie là-bas demandent davantage de souplesse, d’agilité et de force. Il en va de même sur Terre et dans le monde de la pensée. Je continue de croire que seul le savoir peut nous sauver des pires maux. Ainsi, Internet est notre lumière dans l’obscurité, le feu de l’homme préhistorique, l’équivalent de l’imprimerie en ce que l’outil favorise la connaissance et sa diffusion parmi les hommes.
Maintenant, la pensée humaine s’exécute dans un corps par lequel nous vivons et agissons qui donne tout son sens à l’intelligence sociale. Il y a quelques années, Fabrice Luchini avait donné un spectacle à partir des Fables de La Fontaine. Cette année, ce sont les 400 ans de Molière. Je suis certain qu’il faut commencer par là pour comprendre ce que nous vivons de nos jours et savoir comment réagir.
Analytics & Insights : Prospective, data, AI, neurosciences, communautés, etc. : dans quelles directions va se développer la recherche dans les mois qui viennent ?
Arthur Labarre : Cette année, au salon VivaTechnology, de nombreuses multinationales ont présenté leurs projets dans le metaverse ou en lien avec le NFT. Je pense que la recherche devra se pencher sur ces nouveaux objets qui densifient la porosité entre nos espaces virtuels et nos vies dans le monde réel. Des communautés ont déjà été créées dans ces nouveaux écosystèmes qui créent de nouveaux leviers d’acquisition et de flux financiers. Même Madonna s’y est mise…
Peut-être que cela favorisera les avancées en matière d’IA et de neurosciences. J’ai hâte de voir à quoi ressembleraient de futurs échanges du réseau professionnel de cette manière. Imaginez un peu le premier Printemps des études dans le metaverse ?
Bien sûr, toute innovation technologique pose des questions éthiques et philosophiques. Je n’ai pas envie de voir mes contemporains vivre dans un monde comme celui de Ready Player One de Steven Spielberg où la vie de l’avatar virtuel est davantage attractive que celle vécue avec son corps à soi. Nos outils, aussi modernes soient-ils, doivent selon moi servir nos vies dans notre espace-temps, faire perdurer notre civilisation et notre place dans l’univers, et améliorer notre qualité de vie au quotidien.
Analytics & Insights : De nouveaux acteurs issus du monde des technologies sont apparus dans le champ de la connaissance consommateurs ces dernières années : comment se situent les acteurs plus traditionnels dans ce nouveau paysage ?
Arthur Labarre : En tant que « digital native », c’est difficile de penser mon quotidien sans le web, que ce soit dans ma vie personnelle via mes échanges sociaux, comme dans ma vie professionnelle en ce qui concerne l’accomplissement de mon travail. J’ai voyagé dans le tiers-monde, et même dans des endroits très reculés où l’accès à l’eau n’est pas garanti, les familles sont au moins équipées d’un téléphone mobile façon t9 des années 1990. J’ai rencontré des familles dont les enfants sont équipés d’un smartphone de qualité alors que leurs espaces de vie sont étroits. Ça interroge notre rapport à ce qui est précieux, à ce qui est synonyme de richesse et à ce qui crée le bonheur au quotidien.
Je doute que quiconque puisse continuer à rester coupé des nouvelles technologies dont nous avons connu le plein essor sans nuire à son propre développement économique. Toujours dans le tiers-monde, les commerces qui génèrent le plus d’activités sont ultra-connectés et à la pointe en matière de technologie. Leurs services sont référencés sur des plateformes web et sont proposés dans des délais courts.
C’est sans doute l’occasion de questionner notre société sur ce qui est traditionnel et devrait le rester alors que nous sommes entrés dans une ère nouvelle, un monde nouveau dans lequel il y a encore beaucoup à découvrir. On en sait encore assez peu sur le cerveau ! Je pense que les acteurs économiques qui ont refusé le virage d’internet ont rebondi sur le maintien des réseaux sociaux au vu du rôle qu’ils ont acquis dans notre univers. C’est d’ailleurs l’un des secteurs les plus en avance dans le metaverse et en NFT, des mines d’or pour toute stratégie d’influence. En dehors de ça, je pense que le marketing digital est devenu la norme et qu’il sera considéré comme la nouvelle tradition.
Engagé pour l’intérêt général depuis l’âge de 15 ans, j’interviens au fil des années dans le cadre de projets associatifs, d’événements culturels et de réseaux internationaux.
Sur le plan professionnel, j’ai exercé plusieurs activités à la sortie de Station F où j’ai travaillé sept mois en 2021, à l’occasion d’un Service Civique.
Sur le plan personnel, j’aime écrire, et je prévois de poursuivre !
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