15 . 07 . 2018
- 5 h 30 arrivée à Phong-Nha-Kê Bang
- 7 heures check-in
- 8 h 30 départ du National Discovery Tour
- 9 h 15 Botanic Garden
- 10 h 30 Paradise Cave
- 12 h 15 déjeuner
- 13 heures départ pour la Dark Cave
- 16 h 30 cocktail
Il fait sombre quand nous descendons, j’ai le souffle agité par la climatisation excessive du bus et les cauchemars qui m’ont pris dans les turbulences sur la route. Les fenêtres des auberges illuminent doucement la route de campagne aménagée pour les gens de passage. Je ramasse mon sac en vidant le coffre à bagages.
« Does anyone know Easy Tiger adress ?
– Straight on this road at the 16th.
– Let’s go. »
Je pose mes sacs et me sers un café, le check-in sera ouvert d’ici trois heures. Je négocie pour ne rester qu’une nuit comme Andy, à l’accueil, me confirme qu’il est indispensable de voir Da Nang. Je discute avec un couple d’Australiens et Brontée Marie autour d’un second café.
Ensuite, Andy me prête gracieusement une serviette afin que je me prépare dans les douches collectives. Le cadran de ma montre glisse dans la tuyauterie, on me prête un gant et cela ne suffit pas. Tant pis pour moi. Je nettoie mes vêtements, pour les accrocher aux portes. Une pancarte indique que nous fêtons les cinq ans d’Easy Tiger aujourd’hui-même, jour de la finale de la Coupe du Monde. Nous prenons un petit-déjeuner. La Néo-Zélandaise me dévisage en raison d’un couteau pliable rangé dans un étui en cuir à bouton-pressoir sur la table. Elle fixe mes cicatrices et nous nous regardons droit dans les yeux.
« Are you nervous ?
– I’ve seen a lot of hardships and I am stressed about the last place, furthermore, I often have problems with dogs. I’ve walked around, one shouted at me behind a grid. I started coming back and I saw the grid was uncomplete.
– He was ready to charge on you.
– Then, I am a lucky guy. »
Je termine mes derniers préparatifs et me mets en tenue propice à affronter la pluie. Brontée ne souhaite pas me faire monter sur son scooter alors je pars en van avec l’excursion de l’hôtel d’en face.
Un couple d’américains, deux jeunes femmes d’Amérique du Sud et une Néerlandaise sont mes partenaires de la journée. Tuyêp, une femme énergique avec beaucoup d’humour, nous guide. En bon français, j’ai du mal avec son accent anglais alors pour le moment je me concentre sur le paysage. Ceci dit, je fais mouche dès lors qu’elle pose des questions. Il y a peu, on a découvert une grotte abritant son propre écosystème avec ses propres nuages à hauteur de gratte-ciel. Depuis 2003, on peut la visiter en déboursant 3 000 dollars. La grotte a inspiré L’âge de glace: Les lois de l’univers Au jardin botanique, nous observons la vallée depuis le haut d’une chute d’eau à laquelle nous avons accédé par des ponts de bambou, des chemins terreux et pierreux et en enjambant les rocs émergeant du ruisseau.
Direction la Paradise Cave où nous grimpons de hautes marches étroites. Nous avons une heure pour visiter cette impressionnante cave disposée à la visite avec un ensemble en bois et de nombreuses illuminations éclairant les stalagmites et stalactites creusées et taillées par la tectonique des plaques et l’évacuation des eaux.
Je déambule au cours de deux allers-retours et ne sais plus où donner de la tête. Nous ne disposons guère du temps de l’ascension totale. Nous redescendons rejoindre la Dark Cave où nous allons déjeuner. La pluie et l’humidité pénètrent tous les appareils et les pores de ma peau. La poche imperméable ne résiste pas longtemps aux averses. Quant à l’effet k-way de mon anorak, j’en perle. Nous reprenons une voiture électrique et sommes assis à l’arrière.
« Chocolate team ! criai-je, reprenant le leitmotiv de notre guide »
Installés sous des cabanons, nous déjeunons ensemble des mets disposés sur de longues feuilles. Un peu d’épices, quelques graisses, des couleurs aux multiples tons. Nous enfilons nos maillots de bain, un gilet de sauvetage et un casque équipé d’une lampe-torche. La balance m’apprend que j’ai déjà perdu trois kilos. En haut de la tour, un employé m’attache aux câbles de la tyrolienne. La sensation de vide est incroyable avant d’être accroché. Il me suspend au câble, je flotte de manière rigide. Il me pousse et je suis propulsé au niveau de la cime des arbres. Je me remémore la tyrolienne de 2 kilomètres à Orcières-Merlettes, la plus longue d’Europe. Je survole une étendue d’eau et des touristes en kayak, je manque de percuter les branches. A l’arrivée, aucun mécanisme ne freine ma vitesse. Un homme m’attrape par les jambes, ma tête se cogne contre les rouages. Tuyêp s’inquiète. Je marche pieds nus dans la boue et cours vers le bord de l’eau. Glacée. Fraîche du moins. Quel bonheur ! Je nage, cela faisait longtemps. J’ondule au cœur de la masse aqueuse, pique, bondis, vrille et creuse jusqu’au fond. Je compte au moins quatre mètres de profondeur. L’Américain aborde le rivage avec son kayak, je me demande si j’ai déjà manqué une activité. Tuyêp rassemble la troupe en tonnant :
« Chocolate team ! »
Le casque attaché à la tête par une anse, pieds nus et en maillot de bain, nous avançons à la file indienne, sous le massif rocheux servant d’entrée. Le lieu est majestueux, je me sens pénétré par l’émerveillement qui gagne le moindre recoin de mes pupilles. Le sol glisse, la boue dissimule des rochers tranchants sur lesquels il ne s’agirait pas de tomber. Nous abandonnons nos gilets de sauvetage sur du sable de l’autre côté de l’eau qui nous monte jusqu’aux mollets. A propos d’un autre amas de gilets, je demandais à Tuyêp si ce sont là les restes du passage des crocodiles. Elle rit. Le père et son fils entrent les premiers dans un couloir étroit, les parois se resserrent au fil de notre marche, de même pour la partie supérieure. La galerie souterraine aboutit à un cul-de-sac dans lequel nous flottons. Comme si les effets physiques du passage d’Hadrien à Jérusalem et de la Mer Morte s’étaient rassemblés en un seul lieu.
Pour terminer l’excursion, nous dégustons un rhum-coca sur les tables en bois tandis que la pluie reprend. Un Belge nous amuse avec ses tours de carte. Les Mexicaines en sont ravies : elles font du consulting. Nous devons rentrer, je suis ému au moment de descendre du bus et de quitter notre guide, Tuyêp, qui m’a accordé une photo souvenir. Ce soir-là, c’est la finale de la Coupe du Monde. Je prends le temps de me rincer avant de rejoindre les gens pour une bière et un billard. La dernière fois que j’y avais joué, c’était dans un bar à bières du quartier hipster de Berlin, avec Thibault, sa copine Sophia et leur amie Constance. Ici, Greg et Brontée trinquent avec moi, des Irlandaises sont à notre table. Nous partons jouer au Ball’s Game comme disent les Américains. L’Irlandaise a fait de la gymnastique, ça s’observe à partir de sa manière de tirer, plaçant la queue dans son dos et s’arc-boutant, la jambe prête à l’enjamber. Peu après, je chanterai la Marseillaise la main sur le cœur, et ne tarderai pas à me rendre au dortoir. La journée m’aura épuisé et puis le football, ce n’est pas trop mon affaire.
La Hollandaise de la chambre m’aura rejoint assez rapidement, elle couve un rhume et souhaite voir les canards le lendemain. Je me devrai de plier mon bagage assez tôt pour rendre la clef et me rendre à Da Nang, Andy m’ayant déclaré que c’était pour lui la plus belle ville du coin. Greg m’a parlé de la Montage de Marbre, j’aimerais la voir. La France a gagné, je regarde les images de mes compatriotes sur les réseaux sociaux, ils arpentent les Champs-Élysées et toutes les villes la gloire aux lèvres, la fierté dans les cœurs.
16 . 07 . 2018
- 9 h 30 départ
- 11 heures visite de l’intérieur
- 12 h 45 déjeuner
- 14 heures hamac
- 18 h 30 départ pour Hué
J’ai été réveillé pour une histoire de couchage. Trop de personnes ont été enregistrées pour cette chambre. En faisant mon bagage, je constate que certaines de mes affaires se sont retrouvées sur un autre lit. Ils avaient fait un peu de boucan la nuit et ça m’avait réveillé. Je me réveille plus tard que d’habitude et assiste à la réunion d’informations qui me donne les détails d’une visite à faire en groupe pour économiser. Il s’agit de visiter Phong-Nha à bord d’un bateau métallique à moteur. Je suis le groupe, nous marchons une dizaine de minutes et atteignons le guichet qui nous vend un ticket groupe.
Nous montons à bord sur les gestes des bateleuses. Pendant une quarantaine de minutes, nous fluctuons sur une rivière, sous une pluie en diagonale. J’enregistre et je photographie tout ce que je peux. Des maisonnettes bordent les berges, des libellules s’approchent du bateau, des pirogues transportent des marchandises.
Lorsque nous pénétrons la grotte, les moteurs s’arrêtent, les bateleuses rament à l’aide de pagaies volumineuses. Au moment où l’espace se réduit dans la cavité, elles se plient le dos et poussent de leurs mains sur la cavité rocheuse tandis que celles à l’avant poursuivent leurs efforts. Les couleurs et les allures de la roche donnent une forte impression. Je songe à Aladin au moment où une lumière orangée illumine un interstice rocailleux au loin. Je suis à la fois impressionné et attristé par ces femmes auxquelles je donne un brin de liquide qu’elles se répartissent entre elles, par solidarité. Je marche sur du sable et découvre les recoins d’une nouvelle grotte. Un homme est là, qui veille, dans la pénombre. Quel métier !
Sur le retour, je m’arrête à un restaurant tenu par une femme. Une enfant patiente sur un matelas, et un chat albinos, amaigri, me mordille les lacets. Nous discutons pendant qu’elle me prépare mon futur repas. Je la trouve brave et jolie. L’arrivée de Français fait disparaître cette brève relation, elle retourne à son travail. J’ai oublié son prénom, pour peu que je l’aie su.
J’ai profité du hamac un bon moment avant de prendre le bus du soir. Une étudiante américaine tatouée et percée me laisse miroiter mon manque d’affection charnelle, là où des chiots sommeillent. Nous discutons longuement et en apprenons plus l’un sur l’autre, elle s’appelle Aja et apprend l’acupuncture. Je consacre un peu de temps à l’écriture de ce carnet. Cet endroit va me manquer. Lors de mon dernier dîner, je discute à nouveau avec Brontée et Greg. Je rencontre deux britanniques, une mère et sa fille, une lycéenne apprenant le français. Je regrette de ne pas avoir noté son numéro. Il est temps pour moi de partir. J’ai déjà repris mon linge pendant à une poutre, lequel n’a pas encore séché.
Je rencontre un Canadien qui me montre une vidéo de lui sous la pluie, à moto dans approximativement 20 centimètres d’eau. Il est professeur d’histoire. Lorsque le bus se gare, je sens qu’il y a un souci. Le gestionnaire ne souhaite pas nous faire monter : il y a trop de réservations. Tout va très vite, deux jeunes filles montent. La personne auprès de qui j’ai réservé l’excursion et le trajet me prie de rester. J’insiste en prétextant un rendez-vous : mon parcours m’y oblige. Les jeunes filles sont allongées dans le bus, à même le sol. Je suis un peu choqué, à la fois soulagé d’être accepté à bord, et inquiet quant à notre sécurité. Une mère de famille peste après moi, rageant que des jeunes filles soient mises en danger. Je leur apprends à se constituer une ceinture de sécurité de fortune.
« This is your fault if they are on the ground, you should not have entered here.
– Look, many seats are free, I paid my ticket before them.
– It’s a shame.
– Well, that’s okay, we are not the priority for them. Let me take some pictures I will warn my travel agency. »
Le gestionnaire demande à la fille de la famille de faire la même chose, elle porte une mini-jupe et son frère un débardeur.
« Are you from India ?
– We are hebraic people ! s’insurge-t-elle.
– Where do you live, in Israel ?
– In United Stated now.
– Why did you leave for USA ?
– This is none of your business. »
Nous finissons par partir, j’arriverai avec du retard à Hué. Au moment de descendre, je me réveille en sursaut et constate que la poche où je range mon passeport a été ouverte. Alors que je m’apprête à descendre du bus, je tâte la poche de mon téléphone. Je retourne sur mes pas, il s’est engoncé dans l’interstice du matelas et de la couchette attenante. Il est trois heures passées, j’avais réservé et devais arriver entre 22 heures et minuit. Les voyageurs du bus refusent de m’accueillir dans leur taxi. Un autre taxi arrive avec moi. Je suis agacé par ce qu’il vient de se produire. À l’arrivée, la voiture cogne sur la chaussée, une motte de cailloux barre la route. Je retire et lui règle la somme.
« Two hundred meters on this way, Sir. »
Je m’avance dans la pénombre, des chiens hurlent sur mon passage auprès des grilles de cette ruelle étroite. J’empoigne mon couteau pour me rassurer, je grelotte, tremblant d’effroi. Je ressens leur présence et leur agressivité, mes nerfs à vif. Je peine à avancer. Je ne trouve pas le numéro. J’ai la frousse. Je refais la rue en sens inverse. Je tapote la vitre d’une auberge d’où une lueur se distingue au travers d’un store. L’hôtelier me baragouine quelques mots, j’angoisse de plus belle. Je m’arrête à une auberge plus loin où je demande à recharger mon téléphone portable. Il n’y avait d’abord personne puis une femme se lève. J’ai de la peine en la voyant : une bosse déforme son visage, ressemblant aux lépreux que j’ai croisés auparavant dans ma vie. Elle cherche sa sœur qui me propose une chambre, je réponds que j’ai réservé à côté, navré. Je regretterai de ne pas y avoir séjourné, par bonté. Je trouve enfin. L’entrée est protégée par une grille cadenassée. Les clébards ne cessent d’aboyer. Un vieil homme m’ouvre, un motocycle est posé dans le hall. Un mot de bienvenue m’attend, avec quelques indications. Le gardien de nuit m’emmène au dernier étage, je me cogne dans l’escalier, la porte découvre un homme assoupi avec un ventilateur et un second matelas. Le gardien grommelle puis nous retournons sur nos pas. Je m’installe dans un dortoir aux équipements modernes et me remets de mes émotions.
« Sorry for the time of my arrival, my bus was late. »
17 . 07 . 2018
- 8 h 30 petit-déjeuner
- 9 h 30 palais impérial
- 11 h 45 glace
- 12 h 30 départ pour Da Nang
La douche y est plus spacieuse que dans les précédentes auberges. Une pancarte demande de jeter le papier hygiénique dans une poubelle. J’ai du mal à me faire à cette idée. Cela me fait songer au premier voyage que nous avions fait avec mon père suite au divorce de nos parents dans un village de vacances en Égypte, où mon père s’était farouchement opposé à cette idée. Au rez-de-chaussée, la maîtresse de maison me concocte une omelette aux légumes, légèrement épicée. Je ne lui donne pas plus de 25 ans. Elle sourit constamment. Elle m’indique le chemin pour rejoindre le palais impérial d’Hué, l’ancienne capitale du Vietnam. La rue a été coupée en deux dans la matinée par des travaux de rénovation qui demandent de creuser le sol. D’innombrables tas de cailloux jonchent le sol. Cette ville commence sa modernisation. Il y a toujours une masse importante de motocycles.
A l’entrée du palais impérial, des ouvriers restaurent la toiture, harnachés à l’aide de ceintures. J’en reste admiratif : travailler dans de telles conditions n’est pas de tout repos. Certaines zones du palais n’existent pas depuis les bombardements britanniques d’autres sont en voie de reconstruction. L’ensemble est très coloré. C’est tout à fait différent de la Cité Interdite en Chine. Dans la salle de spectacle, des masques de théâtre sont disposés. L’assemblage trichromatique traditionnel désigne à la fois le protagoniste et son caractère. L’émotion me transporte dans cette salle où tant de spectacles ont été représentés. Je m’assieds dans l’un des sièges impériaux pour en profiter. A la sortie, je m’arrête à la boutique, les masques sont coûteux, celui que je désirais se brise à l’encornure. Je pars. Plus loin, des lampes polygonales me rappelant les cerfs-volants sont assemblés dans des guirlandes verticales. Je reviens sur mes pas en passant par le jardin à l’anglaise avec des arbustes taillés à l’effigie du chien.
Je récupère mes bagages au Freedom Hostel après avoir dégusté une glace artisanale au restaurant tenu par un Français d’Aix-en-Provence. Il vit depuis 23 ans ici.
« Ça a beaucoup changé ici, je préférais il y a vingt-trois ans quand nous fonctionnions tous au vélo, c’est en pleine transformation.
– J’ai vu les quartiers populaires de cette ville, les cuisinières à gaz en pleine rue.
– Oui, on quitte le Moyen-Age ici.
– Vous parlez Vietnamien ?
– C’est trop compliqué comme langue. Et puis l’accent n’est pas le même selon la région, ni même le vocabulaire.
– Comment est-ce que vous vous soignez ?
– Je paye.
– Je dois vous laisser, le bus va partir. »
Je n’aurai pas eu le temps de visiter les pagodes. J’ai trois heures de trajet avant de rejoindre Da Nang. Nous nous arrêtons, faisons escale à un stade de foot, cela prend du temps. Nous stationnons le long d’une côte, je discerne des parcs de pêche traditionnelle, des embarcations y sont nouées. L’équipe responsable du bus ouvre les portes de soute à bagage et des hommes transvasent des marchandises. Cela prend un certain temps. Quand on reprend la route, une petite fille rejoint son frère sur le siège qu’ils occupent. Ils manquent de tomber dans un rivage, je me relève et pousse de mon bras les enfants vers la vitre.
« Attach yourself. »
Engagé pour l’intérêt général depuis l’âge de 15 ans, j’interviens au fil des années dans le cadre de projets associatifs, d’événements culturels et de réseaux internationaux.
Sur le plan professionnel, j’ai exercé plusieurs activités à la sortie de Station F où j’ai travaillé sept mois en 2021, à l’occasion d’un Service Civique.
Sur le plan personnel, j’aime écrire, et je prévois de poursuivre !