A l’occasion de la sortie de son premier album Valhalla, nous avons pu nous entretenir avec Eggo par téléphone. Un premier album de haute facture qui témoigne de l’expérience musicale et de l’inspiration créatrice du compositeur. Nous sommes heureux de vous partager les mots d’une révélation musicale française de la musique électronique. Nous sommes prêts à le parier, vous n’avez pas fini d’entendre parler d’Eggo.

Pouvez-vous nous en apprendre un peu plus sur votre parcours ?

J’ai découvert la scène électronique underground vers mes 13-14 ans avec l’arrivée d’internet à la maison. J’ai commencé à produire mes premiers morceaux à l’âge de 15 ans, sur un logiciel gratuit, Cool Edit Pro – l’ancêtre d’Adobe Audition. Mes premiers morceaux sont sortis en 2011 chez Timid Records. En 2015, j’ai décidé de monter mon propre label, Iris Recordings, dans l’idée de m’affranchir des contraintes de délais et de direction artistique. Quatre EP plus tard, voilà mon album.

Vous avez remixé Joris Delacroix, c’est l’un de vos amis ?

Je n’ai pas eu la chance de le rencontrer jusqu’à présent.

Vous avez joué à côté de grands artistes de la scène électronique, vous considérez appartenir à la famille ?

Je n’ai pas particulièrement le sentiment d’appartenir à une quelconque famille… Je n’aime pas enfermer ma musique dans des niches : je fais la musique qui me plaît, peut-être que je passerai à autre chose un jour. Jusqu’à présent c’est la musique électronique qui m’inspire, c’est avec elle que j’ai le plus de facilités à m’exprimer. Je n’écoute pas énormément de musique électronique, je ne m’intéresse pas aux programmations des festivals, je ne sors pas énormément… Je regarde tout cela d’un peu loin à vrai dire.

Il y a un côté très french touch dans vos créations qui rappellent Air et Phoenix, et une dimension plus cosmique qui fait songer à Popof ou Joris Delacroix justement, ce sont des sources d’inspiration ?

Absolument pas. Je te remercie de la comparaison car Joris Delacroix est un mec très talentueux, mais je qualifierais sa musique de plus « sucrée ». Ce qui peut en revanche nous rapprocher c’est cette place faite à la mélodie.

Vous pouvez nous en confier un peu plus sur vos relations avec We Do Music, votre agence de promotion ?

C’est l’agence de relation presse qu’on a trouvé en mettant un point d’honneur à bosser avec des indépendants et des freelance qui correspondent bien à l’esprit du label disons « fait maison ». C’est quelque chose qui m’a tout de suite plu avec We Do Music.

Quelle place tient le Do It With Others dans votre création artistique ?

En auto-production, s’entourer d’autres acteurs est devenu indispensable quand on sait la quantité de morceaux qui sortent tous les jours. C’est compliqué de tout faire soi-même et sans contacts par les temps qui courent, surtout au niveau de la promotion. Du coup, c’est primordial de trouver de bons partenaires pour faire exister une sortie. Sans ça, autant pisser dans un violon. Pour mes masterings, je bosse avec Antoine Thibaudeau (Rumble Sound Studio) depuis quelques années. J’ai pendant longtemps remastérisé moi-même mes productions, avec mes humbles compétences. Le Do It Yourself c’est possible, mais travailler avec un professionnel qui a le matériel analogique et le savoir-faire, ça apporte une dimension qu’on ne peut pas obtenir dans un petit home-studio avec des logiciels et de de simples traitements numériques. Bosser avec un studio professionnel c’est un gage de qualité, c’est primordial, malgré le fait que de nos jours l’immense majorité des gens se contente d’un streaming mp3 de mauvaise qualité… Il y a par contre une part grandissante d’audiophiles – on le constate avec le retour du vinyle par exemple – équipés en très bon matériel et qui sont très attachés au rendu d’un bon mastering.

Le crowdfunding lancé pour la sortie de mon album a justement financé le mastering des morceaux. Toutefois, dans le cadre d’une auto-production, le vinyle est trop coûteux à cette petite échelle.

Vous mentionnez l’importance du lyrisme dans votre musique, et c’est vrai que les nappes de son nous plongent dans notre for intérieur, une musique qui nous fait réfléchir : jusqu’où est-ce intentionnel ?

Je suis très attaché au côté introspectif de la musique, c’est comme ça que j’appréhende la composition. Je mets un point d’honneur à ce que ce soit quelque chose de sincère : j’essaye d’y mettre mon ressenti personnel, il faut que ça me parle, que ça me touche, et si par bonheur ça plaît aux autres, tant mieux.

Je suis étudiant en lettres et ce dernier semestre nous étudiions Montaigne, le fondateur de l’instance du moi, le précurseur du bon égoïsme : la littérature tient-elle un rôle dans votre vie ?

Je puise beaucoup d’inspiration dans toutes mes lectures, peut-être même plus que dans mes autres sources d’inspiration comme les films que je regarde ou la musique que j’écoute. Si on retrouve un lyrisme si fort dans la littérature c’est grâce à cette place qui est faite au ressenti personnel de l’auteur qui a écrit son œuvre seul, face à lui-même, un peu comme un musicien isolé dans son home-studio.

Envisagez-vous de composer des textes ?

Je n’y ai jamais vraiment pensé. Mon mode d’expression repose sur des sonorités, c’est là que je me sens le plus à l’aise. Mais si j’ai l’occasion de rencontrer quelqu’un qui pourrait m’écrire des textes qui collent à ma musique, je l’envisagerais en tout cas.

Tsugi vous a comparé à Rone, vous aimeriez suivre l’exemple de Bora Vocal ?

Oui. C’est le type de texte qui collerait complètement à mon univers.

Les noms de vos tracks sont pleins de lyrisme, ils vous viennent naturellement, vous les choisissez auparavant, après ?

Ça dépend, il n’y a pas de règles à proprement parler. Parfois le titre me vient comme une évidence : parfois il n’y a pas tellement de sens indiqué. Ce qui m’intéresse, c’est avant tout la symbolique et l’aspect onirique.

Vous créez des titres parfois très sombres, d’autres plus rêveurs ou optimistes, qu’est-ce qui motive le sens de la musique ?

Je la qualifierais de mélancolique. Cette mélancolie je la puise dans la vie de tous les jours, dans mon quotidien, les rapports avec les gens, la vie en général. Comme dans toute forme d’art, le but premier est bien souvent d’exprimer cette intériorité.

Vous avez toujours vécu à la campagne ?

Je suis né et j’ai grandi à Montélimar. J’ai toujours vécu à la campagne. J’ai un peu vécu à Lyon et Montpellier. C’est sûr et certain, j’ai plutôt tendance à fuir, comment dire… Le brouhaha de la ville…

Valhalla, le nom de votre album: la mythologie scandinave compte pour vous ?

Ce qui m’a le plus intéressé c’est la symbolique et l’aspect onirique du mot. Ce LP n’est pas un album-concept basé sur la mythologie scandinave, je ne me suis jamais vraiment intéressé à cet univers.

Vous aimeriez faire de la musique de films ?

Absolument, je suis un grand passionné de cinéma, j’ai d’ailleurs fait des études de cinéma. J’aime beaucoup la bande originale composée Max Richter pour Valse avec Bachir en 2008 par exemple. Si je devais composer la musique d’un film, je crois que ça y ressemblerait.

Vous êtes donc motivé par l’univers de l’animation ?

Oui, parce qu’on peut aisément le rapprocher de celui de la musique électronique dans la mesure où l’on s’affranchit de toutes les contraintes imposées par le fait de filmer le réel avec une caméra. Au même titre que le jeu vidéo, cela offre une liberté totale en termes d’images.

On retrouve la même notion de liberté en musique électronique : la seule limite étant l’imagination, les possibilités y sont infinies.

Quels sont vos prochains projets ?

En ce moment je suis sur un nouvel EP. Je n’en suis qu’aux prémisses, je ne sais pas encore vraiment à quoi cela va ressembler mais je tends à m’orienter vers de nouvelles sonorités. J’ai le sentiment d’avoir fait le tour de la musique dancefloor pour l’instant, je voudrais m’atteler à quelque chose de plus acoustique et organique. C’est en tout cas l’envie que j’ai pour ce nouvel EP. J’ai également enregistré un remix de l’un des titres du nouvel album de French 79, il ne devrait devrait pas tarder à sortir chez Alter K.

Vous prévoyez de produire d’autres artistes ?

J’y pense beaucoup. Il y a environ 2 ans, j’ai proposé l’idée à Fedaden, un mec talentueux qui fait une electronica très organique. Ça ne s’est pas concrétisé malheureusement. En attendant, la raison d’être d’Iris Recordings est de produire mes propres morceaux. Pour la suite, on verra ce qu’il adviendra.

Nous n’avons pas encore mentionné votre processus de création, quelles sont les machines que vous employez ?

Ces derniers temps, j’ai tendance à produire de plus en plus in the box. J’ai eu pas mal de machines analogiques vintage par le passé (ARP Odyssey, Korg MS 20) mais le fait de bosser principalement avec l’ordinateur c’est d’abord pour des raisons de confort, ne serait-ce qu’en termes de praticité et de workflow.

Le débat digital/analogique est dépassé depuis longtemps : les émulations logiciel – moins coûteuses – sont désormais excellentes et offrent des possibilités si riches et complexes qu’elles sont à mon sens plus intéressantes à utiliser.

J’essaye de garder le meilleur des deux mondes car je suis très attaché au grain de certaines machines analogiques, mais j’ai plutôt tendance à m’appuyer de plus en plus sur l’ordinateur.

Pas trop dur de travailler seul face à son ordinateur ?

On en revient au parallèle précédent avec la littérature: le syndrome de la page blanche. Seul face à son ordinateur, on traverse beaucoup de moments de doute, l’inspiration n’est pas toujours au rendez-vous. Mais voilà, cette solitude c’est la meilleure façon de laisser libre cours à l’introspection et c’est ce qui laisse le plus de place à la créativité selon moi.

Vous vivez avec votre famille ?

Je vis avec ma copine. Ça m’aide dans mon travail, c’est un soutien quotidien. C’est important d’avoir quelqu’un qui croit en ce que vous faites.

Vous avez connu la solitude en tant qu’artiste ?

Oui. Pendant la période où je vivais dans les grandes villes, paradoxalement, quand je me retrouvais seul chez moi après les cours pour composer. C’est là où j’ai le plus ressenti la solitude, noyé dans la multitude.

Vous avez pris combien de temps pour cet album ?

C’est allé très vite, un petit peu plus d’un mois, en mars-avril 2016.

Waoh..

C’est sorti comme ça, au cœur d’une période assez difficile, dans un mélange de doutes et d’incertitudes car je venais de me faire arnaquer par mon manager de l’époque. Un mal pour un bien finalement, puisque ça a été une période d’inspiration.

Quand aurons-nous la chance de vous voir sur scène ?

Actuellement je n’ai pas de tourneur, j’en cherche un. Pas de date de prévue pour l’instant.

Source : https://www.lofizine.com/2017/01/22/interview-eggo-entraine-coeur-de-melodie/

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